lundi 31 octobre 2011

Alice et les fantômes

Deux expositions à aller voir ab-so-lu-ment. Et pour une fois c’est en province.

Alice Liddell, qui a inspiré Lewis Carroll pour la création de son célèbre roman.
Archives Charmet Bridgeman Giraudon.

Tout d’abord “Images d’Alice, au pays des merveilles”, à la médiathèque de Rennes, qui est avant tout une exposition de livres illustrés qui explore la fortune iconographique de cette œuvre formidable qu’est Alice’s Adventures in Wonderland de Lewis Carroll. Je ne désespère pas de pouvoir m’y rendre: elle ne ferme qu’en mars de l’année prochaine. Et c’est un sujet tout à fait inédit d’exposition, le genre de choses qu’aurait pu faire Orsay si... j’allais dire “si les conservateurs de grands musées parisiens avaient de l’imagination”, mais c’est probablement à la fois faux et surtout gratuitement méchant: le fait est en tout cas que beaucoup d’expositions réellement originales (plutôt que d’énièmes rétrospectives sur Manet ou Mondrian) se font en province, et ne bénéficient pas pour autant de la même couverture médiatique. Ceci dit, moins de moi l’idée de vouloir attaquer les grandes expositions fondamentales sur les grands artistes ou les grands courants, mais simplement de souligner l’originalité d’une telle exposition, qui aurait de la peine à s’inscrire dans la ligne de grandes institutions parisiennes... et qui pourtant ramènerait énormément de monde, à Paris y compris je pense.

Goya, La Conjuration (Les Sorcières), 1797-1798
Huile sur toile - 43 x 30 cm
Madrid, Fundación Lázaro Galdiano
Photo : Fundación Lázaro Galdiano

L'autre expo à aller voir cet automne, donc, est, à Strasbourg, “L’Europe des esprits, ou la fascination de l'occulte, 1750-1950”, qui poursuit la voie ouverte par l’expo “Traces du Sacré” à Pompidou en 2008, dans une veine moins centrée sur les beaux-arts, plus axée sur une histoire culturelle prise au sens large. Une histoire de la fascination qu’ont connu les arts et la littérature pour le monde des fantômes et des esprits nocturnes, de Fuseli à Brauner en passant par Novalis, Breton ou Conan Doyle, donc, mais aussi des tables tournantes, et également de toutes les pseudo-sciences qui ont pu graviter autour des rêveries occultistes. De quoi aiguiser l’appétit pour tous les amateurs d’ombre! Je ne pourrai pas me rendre à Strasbourg, mais si quelqu’un y va et se sent l’humeur (et le temps) de rédiger un petit compte-rendu critique, ce blog lui est ouvert (sous réserves, bien sûr, d’acceptation du contenu par son principal auteur/éditeur). Le risque de ce genre d’expositions étant de noyer le visiteur sous un flot d’objets divers sans lien entre eux, comme ç’avait par exemple été en partie le cas pour l’exposition “Mélancolie” dirigée par Jean Clair il y a quelques années, il est à attendre une hauteur de vue qui permette véritablement de faire le tour du sujet sur deux siècles autrement que de manière superficielle.
Autant dire, ici, un véritable défi, vu l’ampleur tant chronologique que thématique. Mais si celui-ci est relevé avec succès, autant dire qu’il s’agira ici d’une exposition très importante, et encore une fois très originale: si le rapport entre beaux-arts et occultisme a déjà été en partie traité entre autres, récemment, à l’occasion de “Traces du Sacré” déjà mentionné, une bonne histoire de l’occultisme et de ses rapports à la fois avec la science et les arts (c'est-à-dire en tant que phénomène culturel global) reste à faire. Tout le monde (les heureux élus se reconnaîtront) connaît le Sâr Péladan, mais peu connaissent Éliphas Lévi ou Stanislas de Guaita, et leur lien, s’il existe, avec la pensée, la science et les arts de leur époque reste à établir.
Mais il est impossible d’être exhaustif, et La Tribune de l’art estime que ce ne sont pas les manques qu’il faudrait souligner dans cette expo, mais au contraire, davantage, un fourre-tout parfois un peu obscur. On ne doute pas néanmoins que les initiés sauront s’y reconnaître. En attendant, le catalogue est très beau et semble très pointu... mais n’est pas un vrai catalogue dans la mesure où il ne répertorie ni n’explique les œuvres exposées, et donc ne dispense pas d’aller voir ces dernières. C’est jusqu’en février 2012.

Garamond ou Garamont?

Très beau site sur la police de caractères Garamond, à l'occasion du 450e anniversaire de la mort de son créateur, Claude Garamont. Vous souhaitez en savoir plus sur ce caractère classique, indémodable, sur les circonstances de sa création, ses variations historiques, ses recréations contemporaines, les valeurs et symboliques qui lui sont attachées? Allez-y voir, c'est hébergé et produit par le ministère de la Culture, et très bien fait.

lundi 10 octobre 2011

Grande exposition sur les jouets au Grand Palais

Les articles du Monde et du Figaro sont assez élogieux, mais on pourra lire un compte-rendu plus critique de cette exposition “Des jouets et des hommes” sur Le Magasin des Enfants, dans un billet rédigé par Mathilde Lévêque. Les partis pris scénographiques ne semblent ni d’une grande clarté théorique, ni d’une grande originalité dans les thèmes choisis (les animaux qui mêlent l’Arche de Noé et les animaux du cirque, la différence filles/garçons qui continue visiblement de nourrir les préjugés sexistes, etc.): un beau sujet comme celui-ci aurait sans doute mérité une meilleure architecture. On a l’impression que les commissaires ont davantage fait une exposition sur l’imaginaire du jouet que sur le jouet en lui-même, ses fonctions, son histoire, son esthétique, etc.

Cela reste néanmoins bien sûr une exposition à voir pour la beauté et la rareté de ses pièces, certaines uniques, à l’histoire particulière, etc. Signe des temps, comme très souvent on fabrique de l’événement au lieu d’expliciter une histoire, un objet: c’est visiblement une très grande et belle expo, mais sans doute pas la plus pédagogique ni la plus intelligente qu’on aurait pu rêver sur le sujet.

L'illustration des contes de Grimm au 19e siècle


Samedi prochain, au séminaire de l’AFRELOCE, je présenterai quelques résultats de mon sujet de thèse. Ça se déroule à l’ENS Ulm, à partir de 10h00.
Plus d’informations sur Le Magasin des Enfants.

On parlera notamment de l’influence de l’illustration sur le statut littéraire des contes: non seulement ce dernier est modifié du fait même que les textes soient illustrés, mais la nature même des images (leur style, leur parti pris iconographique, etc.) influe sur leur réception, et partant sur le genre littéraire qui leur est reconnu.