mercredi 23 décembre 2009

L'autre

La couverture du dvd alive de Meshuggah, dont la sortie est prévue en février prochain, est très réussie... elle reprend et détourne de manière à la fois habile et amusante le design de l'affiche du premier Alien réalisé par Ridley Scott et sorti l'année de ma naissance, en 1979.

Trente ans après, et alors que les films de science-fiction continuent à interroger de manière plus ou moins réussie l'altérité humaine, la réutilisation de l'affiche cinématographique par le groupe de death métal suédois est intéressante de deux points de vue. D'une part elle fait allusion à une icône de la contre-culture, à travers ce qu'on peut véritablement appeler un "clin-d'oeil", un signe de connivence culturelle avec son public d'adolescents et de jeunes adultes bercés par la musique alternative et les films de série B d'origine américaine. Le détournement facétieux de l'image originelle est de plus caractéristique de l'esprit de la formation qui, malgré la teneur réputée difficile de son message musical, est connue pour son sens de l'auto-dérision: en témoigne même la reprise de la phrase d'appel originale, “In space no one can hear you”, avec l'ajout précisant “unless you scream”, et qui fait allusion au faciès hurlant de Jens Kidman au centre de l'image, en lieu et place de l'œuf en éclosion de la créature extra-terrestre. Ces deux aspects alimentent l'aspect proprement amusant de la citation iconographique.

Mais d'autre part, et de manière plus profonde, la reprise d'une icône de la contre-culture est aussi l'occasion d'établir un lien symbolique important avec l'œuvre première, celui de l'altérité. Si une constante de la recherche musicale de Meshuggah est la recherche de la dissymétrie rythmique, une constante de son univers symbolique, perceptible dans son imagerie mais surtout dans les paroles des morceaux rédigées par Tomas Haake, le batteur du groupe, est la schizophrénie. Le nom du groupe même, “meshuggah” qui signifie “fou” en yiddish, témoigne de l'intérêt du groupe pour la déréliction des mécanismes de la psyché humaine. Cliniquement, la schizophrénie est généralement définie comme une désagrégation de la personnalité, de la psyché humaine qui, en état normal, fonctionne de manière relativement unitaire, ce qui permet à l'individu de se construire et de maintenir son identité psychique. La schizophrénie, donc, sans être un équivalent à proprement parler d'un “dédoublement de personnalité”, introduit en tout cas la multiplicité là où il y avait unité, elle désagrège et fragmente ce qui était un. Ce qui fait que l'un devient étranger à lui-même, il se confronte à sa propre altérité. Un des symptômes généralement invoqués pour caractériser l'état schizophrène est la sensation d'être étranger à son propre corps.

I'm in the stranger: me (lost in corporeal inanity), the user of my face
(Meshuggah, “Concatenation”, in Chaosphere, 1998)

On assiste donc, à travers ce qui pourrait sembler une simple citation culturelle destinée à mieux “cibler” la clientèle d'un point de vue marketing, à une réappropriation d'un symbole, qui s'effectue selon la modalité d'une intériorisation de ce que représentait la race de l'Alien: l'autre de l'homme. L'autre extérieur à l'homme, l'autre race, devient l'étranger intérieur à l'homme même. La peur se mue en folie. Meshuggah psychologise ce qui était en 1979 vécu sur le mode du récit semi-fantastique, semi-épique, avec toutes les résonances post-coloniales que l'on peut y trouver. Avec Meshuggah, l'alien devient aliéné, l'œuf extra-humain de Ridley Scott devient le fou hurlant d'une humanité qui se cherche en elle-même mais ne se trouve pas.

mardi 1 décembre 2009

La maison Max Ernst

Max Ernst a vécu à Huismes, près de Chinon, de 1955 à 1964, avec son épouse Dorothea Tanning. C'est Dominique Marchès, un des co-commissaires de la "Force de l'Art" 2006, qui habite aujourd'hui dans la maison du peintre et sculpteur allemand. En marge de l'exposition Max Ernst au Musée des Beaux-Arts de Tours, la maison accueille en ce moment des frottages monumentaux de Richard Fauguet. Comme quoi, même au fin fond de la campagne perdue, il y a toujours une bout de vie culturelle et artistique.

samedi 7 novembre 2009

Jean Rouch à la BNF


Rina Sherman - Que la danse continue - 2007 - 78'

J'avais dit que j'en reparlerais. Cinq ans après sa disparition, l'héritage de Jean Rouch prend corps. A l'occasion du mois du film documentaire, la BNF, les archives françaises du film du CNC et le Comité du Film Ethnographique se sont associés pour présenter une grande rétrospective consacrée au "sorcier blanc de l'Afrique". L'évènement a commencé le 3 novembre et se poursuivra jusqu'au 3 décembre, avec notamment deux rendez-vous importants : un colloque international du 14 au 20 novembre, et surtout des séances spéciales de projection les 14 et 15 novembre.


Jean Rouch - La Chasse au lion - 1965 - 80'
J'ai eu l'occasion de voir trois ou quatre de ses films dans le coffret que les Editions Montparnasse lui ont consacré, dont Les Maîtres fous, Moi, un noir, ou bien La Chasse au Lion , et je dois dire qu'ils ont laissé sur moi une très forte impression. Si Lévi-Strauss, qui vient de nous quitter, a choisi le Brésil comme terrain de prédilection, Jean Rouch a investi l'Afrique, et il en a tiré un oeuvre hors du commun, à la croisée de l'ethnographie et du cinéma. Et comme il a pénétré l'âme africaine, comme il a saisi l'expérience de l'homme face à l'homme, de la nature en l'homme, et de l'homme dans la nature ! Une œuvre pour l'éternité.
Dans un registre tout-à-fait différent, je profite de ce billet pour évoquer rapidement la sortie de l'album d' Héloïse Combes, une chanteuse que j'ai découverte sur myspace (elle a aussi un blog de dessin). En fait son album ne sort que dans un mois apparemment, mais il est déjà disponible en la contactant sur son myspace. C'est tout-à-fait charmant, elle fait de la chanson pour enfants, accompagnée par des instruments anciens... une bonne manière d'amener les petits enfants à la musique avec goût et bonne humeur, il me semble. Un tout petit évènement à côté de Jean Rouch, mais je voulais en parler car je crois que cette initiative "baroque-enfants" est judicieuse. A vous de voir !

vendredi 30 octobre 2009

Petit cours sur Daumier

Aujourd'hui, c'était cours sur la lithographie. La dernière partie de mon cours portait sur Daumier, et je voulais aborder deux images en particulier: Gargantua et La Rue Transnonain. Deux images classiques, très connues, et caractéristiques de la caricature politique à l'époque de la monarchie de Juillet. Mais, je ne l'ai pas fait exprès, les rapprochements avec la situation actuelle se sont faits d'eux-mêmes.


Dans la première estampe, Gargantua, Daumier représente Louis-Philippe en ogre qui dévore les écus arrachés au peuple miséreux, et qui sont ensuite transformés en médailles et décorations pour les proches du pouvoir qui se disputent, sous la chaise percée de Louis-Philippe, les déjections du monarque. Daumier fut condamné pour cette estampe: 6 mois de prison pour incitation à la haine envers le monarque. Le rapprochement avec aujourd'hui où l'incitation à la haine contre le monarque est une constante épée de Damoclès au-dessus de la liberté de la presse s'est fait tout naturellement.

Ensuite, La Rue Transnonain, qui représente avec sobriété les conséquences d'une bavure policière qui eut lieu le 14 avril 1834 au cours d'une émeute populaire déclenchée par la loi liberticide contre l'association. Enfin, je n'ai pu m'empêcher de rappeler que c'est sous Louis-Philippe qu'a été réalisé le premier musée d'histoire de France célébrant la gloire nationale, à Versailles, et donc de souligner un autre point de convergence...

Oui, Daumier est d'actualité, et il n'est pas inutile de parler de vieilleries du XIXe siècle. Mais non, le Louis-Philippe d'aujourd'hui n'est pas une poire.

dimanche 18 octobre 2009

Dans les coulisses de la création

Je viens d'écouter la passionnante entrevue qu'Elena Balzamo a accordé à Antoine Perraud pour son émission Tire la langue. Universitaire polyglotte spécialisée dans les contes scandinaves, traductrice et essayiste, Elena Balzamo s'est lancée dans un projet qui lui a valu la bourse jean Gattegno du Centre national du livre: la traduction en trois volumes d'un choix de lettres d'August Strindberg, dont le premier volume vient de sortir chez Zulma.

Je connaissais Elena Balzamo pour ses traductions de contes populaires et littéraires scandinaves, également pour son travail sur la Carta Marina d'Olaus Magnus, mais elle a aussi œuvré dans des domaines moins "merveilleux", comme la traduction du russe de poèmes du goulag ou encore ce travail sur Strindberg. La correspondance d'un écrivain permet sinon d'avoir accès aux différentes étapes de la création de son œuvre, et donc de pénétrer les mécanismes concrets de la création littéraire, du moins d'autoriser une incursion dans la vie personnelle, parfois quotidienne, parfois extraordinaire, où celle-ci a pris sa source. Sans toujours donner d'indications précises sur la génétique des œuvres, elle permet sans doute de mieux en comprendre la genèse: elle donne ici en effet un accès privilégié aux névroses, aux bouillonnements intellectuels et sensibles, à la vie intérieure de l'auteur d'Inferno.

Dans le même registre, il est important de noter la récente publication d'une nouvelle édition du Journal de Delacroix, qui n'était jusqu'à ce jour disponible que dans une édition établie. de manière approximative. Michèle Hannoosh, la chercheuse américaine qui s'est occupée de ce travail titanesque, a pris le soin d'ajouter à son édition des inédits, qui permettent d'augmenter encore la taille des écrits du peintre. Delacroix, fidèle en cela à son époque empreinte du dialogue entre les arts, avait, tel Girodet dans sa jeunesse, envisagé pendant un moment une carrière d'écrivain en lieu et place de celle de peintre, et était pétri de littérature. Le journal de Delacroix était déjà passionnant dans son édition antérieure: il permettait de pénétrer dans les réflexions du peintre à propos de son œuvre et de celle de ses contemporains, mais aussi à propos de la littérature et plus généralement de la société de son temps. Coulisses de la création personnelle, mais aussi formidable témoignage sur la période romantique.

Màj 24-10-09: normalement Michèle Hannoosh devrait venir présenter son édition du Journal de Delacroix le samedi 21 novembre à la librairie Le Livre, à Tours. 80 euros, ça fait un beau cadeau pour les fêtes...

vendredi 2 octobre 2009

Barbe Bleue sur Arte

Cranach l'Ancien - Judith et Holopherne

Mardi prochain, Arte diffuse le téléfilm Barbe Bleue réalisé par Catherine Breillat. Pour l'anecdote, c'est le groupe corrézien pseudo-médiéval Sikinis - dont on peut écouter la musique ici (la Danse des Satyres me fait beaucoup rire personnellement) - qui signe la bande-son. Télérama a l'air assez emballé par le casting et les costumes. Le personnage de Barbe bleue a déjà été incarné plusieurs fois au cinéma (Gary Cooper, Richard Burton, Pierre Brasseur...), et il peut être intéressant d'en voir une nouvelle version. Les puristes auront peut-être des allergies, et retourneront en courant relire les Contes de ma mère l'Oye. Pour ma part je resterai probablement fidèle à mon cher Bartok.

lundi 21 septembre 2009

Respiration

Préparation de cours pour l'université, correction de livres pour les éditeurs, fin de mon contrat pour le musée Rabelais, en ce moment je suis en apnée.


Burne-Jones, le Roi Cophetua

Hier soir, entre 20h et 22h sur France Culture, une bouffée d'air : une splendide création radiophonique de la pièce de théâtre de Julien Gracq, Le Roi Pêcheur. Le texte de Gracq est éblouissant, même si je comprends qu'il n'ait pas connu le succès à l'époque de sa première création, en 1949. L'oeuvre est relativement difficile, et la trame narrative est limitée, au profit d'un réseau de symboles qui demande une grande attention si l'on veut percer à jour la dialectique hégelienne qui se devine sous une apparence de mythe arthurien teinté de wagnérisme. La pièce n'est en cela pas sans rappeler les drames symbolistes de Maeterlinck ou de Pessoa : elle est toute empreinte de mystère, et manie les images plutôt que les actions, les symboles plutôt que les postures psychologiques, les attentes plutôt que les intrigues.



La première mise en scène n'ayant eu aucun succès, malgré les décors de Léonor Fini et l'interprétation de Maria Casarès et de Jean-Pierre Mocky, je me demande ce qu'une mise en scène moderne pourrait faire de cette pièce. Laurence Arpi en a assez récemment proposé une interprétation, qui s'apparente visiblement davantage à une lecture, avec un texte adapté, qu'à une mise en scène théâtrale classique. Certaines pièces, d'Ibsen ou de Yeats, acceptent difficilement une mise en scène. La pièce de Gracq fait partie de ce théâtre-là, qui est celui des mots plus que celui de la représentation.

vendredi 11 septembre 2009

La Fabrique des Images

Philippe Descola

Le 16 février 2010 commencera la troisième exposition anthropologique au Musée du Quai Branly (détail ici, page 7). C'est Philippe Descola, spécialiste d'anthropologie de la figuration et professeur au Collège de France, qui en est le commissaire d'exposition. 150 oeuvres seront présentées selon les 4 modes d'identification au monde théorisés par Descola dans son dernier ouvrage Par-delà nature et culture.
Descola postule qu'il y a "différentes façons de distribuer des qualités aux existants [éléments du monde]", c'est-à-dire différentes façon de leur imputer "une physicalité et une intériorité analogues ou dissemblables à celle dont tout humain fait l'expérience".
Il distingue 4 formes :
- l'animisme : c'est "la généralisation aux non-humains d'une intériorité de type humain combinée à la discontinuité des physicalités corporelles".
Opposé
- le naturalisme : "Ce n'est pas par leur corps mais par leur esprit, que les humains se différencient des non-humains".

- le totémisme : "L'identification totémique est fondée sur le partage, au sein d'une classe d'existants regroupant des humains et diverses sortes de non-humains, d'un ensemble limitatif de qualités physiques et morales que l'entité éponyme est réputée incarner au plus haut degré".
Opposé
- l'analogisme : "L'identification analogique repose sur la reconnaissance d'une discontinuité générale des intériorités et des physicalités aboutissant à un monde peuplé de singularités". Il convient ensuite de trouver des correspondances stables.

Cette exposition figurative montrera des masques, sculptures, et tableaux de diverses origines, faisant se croiser les inuits, les aborigènes, les chinois mais aussi les maîtres flamands, sous un regard anthropologique. En bref, une exposition qui promet d'être passionnante !

Pour lire Philippe Descola
- sur la théorie de la Fabrique des images, voir ici.
- sur l'anthropologie de la nature et la figuration animiste, voir là.

mercredi 2 septembre 2009

Unholy

Frédérick Martin est un compositeur français né en 1958. Il a été pensionnaire à la Villa Médicis et a suivi le cursus informatique de l'ircam. Passionné de musique de la Renaissance, il aime également la musique de ses contemporains Lachenmann, Grisey ou Ferneyhough. Son catalogue comporte des oeuvres pour orchestre, des concertos, et d'autres pièces, commandes d'Etat ou de festivals. Certaines lui ont valu l'admiration auprès de ses pairs, notamment Bruno Mantovani et Hughes Dufourt.

Contre toute attente, le même Frédérick Martin s'avère être un fan de black metal. Antaeus et Darkthrone figurent dans ses disques de chevet.
"Le black est la musique du désespoir comme tel et c'est pour ça que je l'aime", nous dit-il.


Son ouvrage Eunolie est paru en 2004 aux éditions Musica Falsa.
Bon voyage en enfer !

vendredi 28 août 2009

Les expos que je n'ai pas pu voir cet été

Mais que je conseille fortement d'aller voir si l'occasion vous en est donnée.

Au premier chef, Max Ernst à Orsay. Je regrette vraiment de n'avoir pu faire un saut à Paris cet été pour cette exposition consacrée aux superbes collages de cet artiste surréaliste, qui réutilise l'imagerie populaire du XIXe siècle dans des compositions tout à fait saugrenues et riches de sens. Je crois que j'en serai réduit à consulter l'excellent ouvrage de Werner Spies sur le sujet.


Ensuite, en Normandie, un ensemble d'expositions sur la Normandie pittoresque. La notion esthétique de pittoresque a été inventée au cours du XVIIIe siècle, et a connu ses plus belles applications à l'époque romantique, notamment avec le monument lithographique du baron Taylor, la série de livres illustrés Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France.
Trois expositions, à Rouen, au Havre, à Caen, sont consacrées respectivement à la Normandie romantique (celle qui m'intéresse personnellement le plus), à la Normandie monumentale (consacrée au livre illustré d'héliogravures d'A. G. Lemâle, La Normandie pittoresque et monumentale, à la fin du XIXe) et à la Normandie contemporaine (sélection de photos du XXe siècle), explorant à travers le fil directeur du pittoresque la représentation, en gravures et en photographies, de la Normandie durant deux siècles.

Enfin, à Londres... Waterhouse à la Royal Academy, ainsi qu'une exposition de design contemporain sur le thème des contes de fées et de la fantasy au V&A, que j'aurais aimé voir histoire de m'amuser si j'étais allé à Londres. Mais voilà, on n'a pas toujours le temps et les finances dont on aurait envie.

vendredi 21 août 2009

Emerson, Woodnotes

Ralph Waldo Emerson


Dans la foulée, quelques vers de la traduction, par la même, d'un poème de Ralph Waldo Emerson, parue récemment (juin) dans le n°2 de la revue MIR, éditée par les éditions Ikko.



Ce paysan rêveur était assis, humble,
Auprès des eaux de la forêt ;
Les racines enchevêtrées du pin
Formaient les entrelacs de son trône ;
Le vaste lac, frangé de sable et d’herbes,
Était poli comme un verre
Coloré par les ombres vertes et majestueuses
De l’arbre et de la nue.




(c'est moi qui souligne)

Browning et la terre gaste

Je parlais dernièrement de l'Anneau et le livre de Browning, récemment paru aux éditions le Bruit du temps. La traduction par Charlotte d'un poème (Childe Roland at the Dark Tower Came) du même écrivain vient d'être publiée sur le site de la revue électronique Retors, animée par Sarah Cillaire. Réinterprétation romantique du thème merveilleux de la terre gaste, ce poème est aussi un parfait exemple de réécriture moderne d'un motif médiéval, celui du chevalier qui erre en quête de la Tour Sombre.

Robert Browning (1812-1889)


C'est surtout un très beau poème sur le désenchantement, qui me rappelle, dans un registre et une forme complètement différents, La Route de Cormac McCarthy, que j'ai lu très récemment sur les conseils d'une amie, Julia, et qui m'a considérablement bouleversé.

IX

Ecoutez-moi ! Je ne m'étais pas plus tôt
Engagé par la plaine que je fis halte,
Après un pas ou deux, pour jeter un dernier regard
Sur la grand route : le néant ; autour de moi une grise plaine :
Rien qu'une étendue grise, à perte de vue.
Autant aller de l'avant, n'ayant guère d'autre choix.

samedi 8 août 2009

Un été victorien

Après avoir parcouru le premier tome du Pacte avec le Serpent de Mario Praz, qui concerne le roman noir, Poe et les Préraphaélites (à ce propos, un superbe site de ressources iconographiques concernant ces derniers hébergé par le musée de Birmingham, merci à la Morris Society pour le lien), je me suis lancé dans une lecture de vacances. Le genre de gros pavé qu'on emporte sur la plage : Possession, d'Antonia Susan Byatt. Ce roman raconte l'histoire d'un jeune universitaire qui travaille sur un poète victorien du nom de Randolph Henry Ash, et qui lui découvre une correspondance, puis une liaison restée secrète avec une poétesse du nom de Christabel LaMotte, dont l'oeuvre n'avait a priori, dans l'histoire littéraire, jamais été rapprochée de celle d'Ash. S'ensuit une longue enquête, au milieu de conflits idéologiques et politiques entre universitaires, pour savoir qui aura le premier accès aux informations concernant le lien entre les deux poètes.

Le livre s'apparente donc tout à fait à un livre pour universitaires, fourmillant d'allusions érudites à la littérature et la civilisation victorienne (les thèmes merveilleux comme celui de Mélusine ou de la ville d'Ys, la fascination pour l'histoire naturelle héritée des romantiques et de Darwin, les tables tournantes des cercles spirites...), et surtout dépeignant, avec souvent beaucoup d'humour, certains travers des chercheurs en littérature. On trouve en effet différents portraits d'universitaires assez drôles, comme celui du vieux professeur anglais, Blackadder, partisan de l'érudition philologique à l'ancienne, celui de Leonora Stern, ancienne hippie partisane de la critique lesbiano-féministe, ou encore Mortimer Cropper, un collectionneur prêt à tout pour obtenir un bouton de chemise de Randolph Henry Ash.

Mais plus qu'un roman universitaire qui traite de la manière dont les universitaires traitent la littérature, c'est aussi un roman sur la littérature elle-même, et la poésie en particulier, qui traite de la manière dont elle nous captive, et dont elle finit par s'emparer de nos vies. Le personnage principal, le jeune Roland Michell, apprendra surtout, dans cette enquête, à acquérir son propre langage, et à voir le monde autrement. C'est un roman d'apprentissage (et de libération) en même temps qu'un roman policier.

Un des aspects le plus fascinant de ce roman est la virtuosité avec laquelle Byatt s'empare des topos de la littérature victorienne, et jalonne son récit de poèmes, de contes, de journaux intimes et de correspondances amoureuses plus vraies que nature. Ash et LaMotte sont deux auteurs fictifs, mais leurs écrits semblent tout droit descendre, pour l'un de Wordsworth et de Tennyson, pour l'autre peut-être de Dickinson et de Violet Hunt. Byatt est une ancienne universitaire, et cela se ressent dans la manière dont elle a choisi tant son sujet que sa manière de l'aborder. La construction est très postmoderne, avec tout un jeu de montage de textes qui ménage des échos symboliques entre l'histoire de Roland Michell et celle des deux poètes victoriens. Le récit, du fait de ces multiples textes enchâssés "à la manière de", constitue un véritable exercice d'écriture, et si Byatt ne manifeste pas toujours, par cet exercice de pastiche permanent, de voix véritablement personnelle, force est de reconnaître l'intelligence profonde de ce roman, excellement construit, et qui donne à la fois le goût de la littérature et celui... de la vie. Je doute, en revanche, qu'il donne le goût de la recherche universitaire, autrement que sous la forme, bien idéale malheureusement, de la fascination qu'entraîne le jeu de l'enquête policière autour de l'histoire d'Ash et de LaMotte.

mercredi 22 juillet 2009

Les Grimm nous envoient de bonnes ondes

Je sais, ce n'est pas très original, j'ai tendance à me répéter... C'est que l'histoire continue! Grimm est à nouveau au programme de France-Culture (on voit de toute façon mal NRJ s'intéresser à la nouvelle traduction parue il y a maintenant deux mois), dans l'émission des Matins entre 7h40 et 8h55, le vendredi 24 juillet. Natacha Rimasson-Fertin, la traductrice/éditrice de l'ouvrage paru aux éditions José Corti, répondra aux questions d'Ali Baddou et des chroniqueurs de l'émission (Alain-Gérard Slama, Olivier Duhamel, etc.)

Page de titre du premier tome de la seconde édition (1819) des contes de Grimm

mardi 7 juillet 2009

Géographies du merveilleux à Fontevraud

Encore une fois, la programmation culturelle de Fontevraud se révèle particulièrement alléchante. Après l'exposition sur les rapports entre Miyazaki, Takahata et Paul Grimault, le thème du cycle de conférences de cet été se trouve être Géographie et merveilleux au Moyen-Âge.

Marco Polo

Le programme a été conçu avec la collaboration de Jacques Le Goff, et comprend des interventions de Philippe Walter, François Bon, André Miquel, et bien d'autres universitaires spécialistes de la littérature de voyage ou de la littérature médiévale. On regrettera sans doute que les interventions portent presque exclusivement sur la littérature, et peu sur les arts plastiques, mais ce serait bouder son plaisir que de ne pas aller entendre une conférence sur l'Autre Monde dans les odyssées irlandaises (Philippe Walter, vendredi 31 juillet), sur Le Devisement du monde de Marco Polo (Michèle Guéret-Laferté, vendredi 24 juillet), ou sur les Monstres, hallucinations et peurs dans les voyages anciens (François Moureau, vendredi 21 août).

Les conférences ont lieu le vendredi, et le samedi ont lieu des lectures de grands classiques de la littérature merveilleuse, comme le Voyage au centre de la Terre et 20000 Lieues sous les mers de Jules verne, ou le Gulliver de Swift, mais aussi de textes moins connus comme Le Voyage souterrain de Niels Klim, de Ludwig Holberg, ou, plus proche de nous, Le Mont analogue de René Daumal.


Gulliver par Arthur Rackham

En marge de tout cela, et toujours dans un programme axé sur les voyages et les mondes imaginaires, on a droit, le samedi 15 août, à une représentation du Chant de l'Odyssée par le célèbre conteur Bruno de la Salle, ainsi qu'à toute une série de projections en plein air de films et dessins animés avec pour thème le voyage merveilleux : Méliès, Miyasaki, Lotte Reiniger, Terry Gilliam...

Les Aventures du prince Ahmed de Lotte Reiniger, l'un des premiers chefs-d'oeuvre du cinéma de silhouettes.

Franchement, vous êtes sûr que vous n'avez pas envie d'aller faire un tour du côté de Fontevraud cet été ?

dimanche 28 juin 2009

Grimm par Quignard, Byatt... et Goble

Je retransmets une information dont les abonnés à la lettre d'information de José Corti auront déjà certainement eu vent. Le dernier numéro du Monde des livres, supplément du Monde paru en kiosque vendredi dernier, fait la part belle cette semaine à la nouvelle édition des contes de Grimm traduits par Natacha Rimasson-Fertin, qui comprend une interview avec la traductrice (où j'apprends qu'elle a été élue maître de conférences à Grenoble, bravo Natacha!) ainsi que deux articles signés par l'écrivain Pascal Quignard et la romancière A.S. Byatt. Du beau monde, donc, pour célébrer la parution de cet ouvrage tant attendu par les amateurs de contes.
Pour ceux qui ne trouveraient plus l'édition du Monde de vendredi en kiosque, on peut encore lire les articles sur le site du quotidien:

Interview de Natacha Rimasson-Fertin

Article de Pascal Quignard

Article de A.S. Byatt

Evidemment, le Monde (version papier) a choisi, pour illustrer les articles, une création d'un illustrateur... anglais! Quand je vous dis que l'on a tendance à ne voir les contes de Grimm qu'à travers le prisme des illustrateurs anglais! Ceux-ci ont sans doute été à la fois les plus nombreux et les plus talentueux à mettre en images ces contes. Surtout, les livres illustrés anglais ont très probablement (un autre chantier de recherche...) connu une meilleure diffusion que les livres illustrés allemands, qui rend leur style d'illustration plus familier que celui des illustrateurs allemands.
En l'espèce, c'est une illustration de Warwick Goble, contemporain de Rackham, Dulac, Robinson, etc., qui a été choisie, illustration qui met en images le conte du Roi Grenouille, qui ouvre la collecte des frères Grimm (KHM 1).

mercredi 10 juin 2009

Quand Henry Selick lit Neil Gaiman

Neil Gaiman, le très carrollien auteur du récent American Gods, publiait en 2002 un roman court intitulé Coraline (qui s'est vendu comme des petits pains) : l'histoire d'une petite fille qui découvre un passage vers un autre monde curieusement identique au sien, à la différence que ses parents ne la contrarient jamais et qu'ils ont des boutons de mercerie à la place des yeux.
Un sujet de rêve pour Henry Selick, le réalisateur notamment de L'Etrange Noël de Monsieur Jack, qui s'en est emparé avant même la publication du roman. Ce prodige du "stop motion", technique d'animation qui consiste à donner vie à une marionnette en filmant image par image, a tourné pour la première fois avec des caméras numériques. Coraline sort aujourd'hui en salles, et je lis dans Le Monde une chronique assez enthousiaste de Thomas Sotinel, aux yeux duquel le résultat est virtuose en ce qui concerne la modélisation des marionnettes, l'animation des volumes et le travail sur la matière.
Chaussez vos lunettes 3D, si votre salle propose un visionnage en relief, et surtout n'oubliez pas vos yeux d'enfants, atout majeur pour se glisser dans ce monde parallèle qui promet d'être féérique et virevoltant !

samedi 6 juin 2009

Grimm à nouveau sur les ondes

Une nouvelle lecture, après celle de décembre dernier, de la nouvelle traduction des Grimm (Corti, mai 2009) a lieu prochainement sur les ondes, il s'agira cette fois-ci du conte "L'alouette qui chante et sautille" (Das singende springende Löweneckerchen), ainsi que du bien-connu "Raiponce" (Rapunzel) ; ça se passe dimanche 7 juin (demain soir), de 17h30 à 18h00, sur France-Culture, bien évidemment.

lundi 1 juin 2009

Le chien de la nuit

Récemment, mon beau-frère, un pâtre odiniste, est descendu de ses montagnes pour venir rendre visite à sa famille en région tourangelle... Après avoir causé de cuisine médiévale et de la réintroduction problématique des ours dans les Pyrénées, la conversation a tourné vers la musique. Je lui ai fait connaître Comus, il m'a fait connaître Moondog. Et j'ai été conquis par l'histoire de ce musicien-compositeur aveugle et sdf, ayant vécu la majeure partie de sa vie à New York, et mort en Allemagne, réfugié à la fin de sa vie dans la vieille Europe. Il était doté d'une très longue barbe, et, pour éviter qu'on l'appelle Jésus, il a décidé un jour de s'habiller en viking. Son surnom: le "Viking de la 6e Avenue".


Voilà pour le folklore. La musique, elle, si elle n'est pas non plus impressionnante de complexité (pour ce que j'en ai entendu, c'est-à-dire le cd éponyme avec compositions orchestrales datant des années 1960), reste très intéressante et novatrice pour l'époque. Vers la fin de sa vie, il a visiblement composé des canons nécessitant l'emploi d'un millier de musiciens sur près de neuf heures. Ayant fricoté à la fois avec le jazz et la musique du monde, il a également rencontré les principaux représentants du minimalisme américain, Terry Riley, Steve Reich et Philip Glass, chez qui il squattera pendant 3 mois. Encore un témoignage, s'il en était besoin, de l'influence, au cours des années 1960 et des années 1970, des cultures ethnologiques sur la culture et la contre-culture américaines, ainsi que de l'entremêlement de ces deux dernières: si Moondog reste peu connu du grand public, il aura une influence considérable sur un certain nombre d'artistes et de compositeurs, Janis Joplin et Charlie Parker reprenant, entre autres, certains de ses airs.

Avis, donc, aux amateurs de musique du monde, de musique psychédélique et de musique minimaliste: Moondog mérite plus qu'un rapide coup d'oreille, il mérite une attention soutenue, au même titre que d'autres personnalités marginales comme Zappa ou Vander.

jeudi 21 mai 2009

Comus de retour


John Milton (1608-1674), l'auteur du Paradise Lost (1667), ne s’imaginait pas en écrivant le "masque" Comus (1634), qu'il donnerait son nom à un groupe de folk des années 70 ; lequel groupe ne savait pas non plus en écrivant le morceau Drip Drip, qu'il inspirerait le nom d'un des albums du groupe suédois Opeth.


Belle histoire de ce groupe qui après un premier album culte en 1971, suivi d’un second en 1974, est resté dans l’oubli jusqu’à ce que Mike Akerfeld les pousse à se reformer, si bien qu’ils joueront au Festival Equinoxe cet été.

mercredi 20 mai 2009

Grimm chez José Corti **

Petite mise à jour:
description des deux volumes sur le site de Corti ; et entretien avec la traductrice.

samedi 16 mai 2009

Le bruit du temps et la voix de Browning


Une nouvelle maison d'édition vient de naître en 2009, il y a quelques mois. Menée par Antoine Jaccottet (le fils du poète) et Cécile Meissonnier, transfuges de Gallimard, elle s'appelle le Bruit du temps, d'après le nom d'une oeuvre de l'écrivain russe Ossip Mandelstam. Le catalogue ne comprend pour l'instant qu'une poignée de titres, mais affiche déjà une politique éditoriale très ambitieuse et exigeante intellectuellement, pour l'instant essentiellement tournée vers la réédition de textes anciens.

Nous avons eu le loisir d'entendre un peu Antoine Jaccottet parler de son travail, et surtout de ses livres, hier soir à la librairie Le Livre, à Tours, qui fêtait ses 15 ans. Je partais d'un a priori négatif, me disant, au regard du site internet de la maison un peu trop bavard et "bien fait", que cela risquait d'être un brin guindé et narcissique. Et j'ai été heureusement surpris de voir un éditeur complètement passionné par les livres qu'il édite, qui ne parle pas de lui quand il parle de littérature, mais de littérature. Sa présentation de L'Anneau et le Livre de Robert Browning donnait vraiment envie de se confronter à ce pavé racontant en 21000 vers, à travers douze voix différentes, une sombre histoire de moeurs de l'Italie du 17e siècle. Quelques lectures de la traduction en prose de Georges Connes finissent de convaincre: il s'agit là d'un chef-d'oeuvre. Certes pas easy-reading, mais certainement pas non plus inaccessible et ennuyeux, contrairement à ce que la mauvaise réputation de poète victorien didactique de Browning pourrait laisser croire. A lire, donc, ainsi que d'autres textes du même éditeur, de Proust, Mandelstam, Auden ou James.
On voit par ailleurs que si la maison est nouveau-née, l'éditeur n'est certes pas débutant : ses premiers titres à peine publiés, il propose sur son site un catalogue très détaillé, ainsi que la possibilité de feuilleter les premières pages du livre sur écran, enfin les livres bénéficient d'une excellente maquette, et d'un prix marketing reposant sur la règle bien connue de ne pas afficher de chiffre rond (L'Anneau et le Livre coûte 39 euros). On voit ici qu'on joue dans la cour des grands, et le jeu est d'autant plus agréable que la valeur littéraire des oeuvres comme leur présentation matérielle sont d'une qualité irréprochables.
Bon vent au bruit du temps, qui recueille la rumeur des âges!

jeudi 14 mai 2009

Grimm chez José Corti *

J'en parlais l'année dernière, ça y est, c'est fait, je viens de recevoir mes exemplaires. L'édition José Corti des contes de Grimm est sortie, dans une version traduite, commentée et postfacée par Natacha Rimasson-Fertin. Je ne crois pas être autorisé à diffuser de visuels pour l'instant, mais le coffret est je trouve très réussi, utilisant une illustration en silhouettes de Dora Polster, une illustratrice allemande du début du XXe siècle.

Même si je n'ai qu'une part très peu importante dans la réalisation de cet ouvrage (essentiellement, j'ai choisi les illustrations et rédigé une courte postface, p. 505-509 du 1er tome, et mon nom n'apparaît pas en page de titre), vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis content de tenir l'ouvrage entre mes mains. Justice est enfin rendue à l'oeuvre des Grimm.

Enfin, je vais pouvoir présenter le nom des illustrateurs que vous pourrez trouver dans ces deux gros volumes quand vous vous rendrez dans votre librairie à partir de la troisième semaine de ce joli mois de mai:

George Cruikshank


Ludwig Emil Grimm
(illustration non présente dans le livre, c'est une autre version de la même image qui a été choisie au final)



Bertall

En somme, que des illustrations d'époque, du vivant des frères Grimm. Un illustrateur allemand (le cadet de Jacob et Wilhelm), un français, et un anglais dans la mesure où Cruikshank joue un peu le rôle de passeur entre l'Allemagne et la France au cours de la diffusion des contes de Grimm. Plus de détails dans ma postface...

dimanche 3 mai 2009

Le Vent dans les Saules, deux éditions critiques

Illustration d'Arthur Rackham pour le Vent dans les Saules, 1939.

A l'occasion du 150e anniversaire de la naissance de l'auteur du Vent dans les saules, deux éditions critiques du chef-d'œuvre de Kenneth Grahame sont publiées en langue anglaise. Une occasion de relire ce splendide récit avec quelques notes permettant de mieux le comprendre, même si (voir lien ci-dessus) les annotations sont toujours sujettes à caution... surtout quand les éditions critiques en question sont publiées, je le suppose, à la va-vite à l'occasion de jubilés comme celui-ci.

Il reste qu'une édition annotée et critique d'un classique de la littérature enfantine est un projet de livre possible et visiblement viable dans le monde anglo-saxon, chose qui n'est semble-t-il pas encore possible en France. A part l'édition de Marc Soriano pour les contes de Perrault (et très bientôt celle de Natacha Fertin pour ceux de Grimm), vous en connaissez beaucoup, vous, des éditions critiques de littérature pour enfants? Quand vous trouverez une édition correcte (je ne parle pas de la traduction, mais d'un système de notes et d'une introduction potables), en français, d'Alice au pays des merveilles ou de Peter Pan, je vous encourage à me la signaler, je serais très heureux d'en apprendre l'existence. Ce serait en tout cas le genre de projet éditorial qui permettrait non seulement de mieux connaître les œuvres, mais également de rectifier un tant soit peu certaines des idées reçues qui les accompagnent encore trop souvent (Carroll et Barrie pédophiles, Carroll consommateur de drogues - « mais oui, la preuve c'est le mille-pattes qui fume! » -, etc.).

(paru en mai 2009)

mardi 21 avril 2009

Romantiques américains

Walt Whitman

On ne se refait pas, j'ai été, je suis, et je suppose que je serai encore longtemps fasciné par les romantiques. Aussi bien ceux d'hier que ceux d'aujourd'hui. Aussi, la découverte d'un pan pour moi totalement inconnu de ce mouvement a été ces dernières semaines un événement assez important.
Le premier pas a été franchi il y a environ un mois, quand j'ai découvert la poésie de Walt Whitman, dont j'ai lu quasi intégralement, d'une traite, les Feuilles d'herbe dans leur version de 1855. Je l'ai lu dans le Lot, en pleine nature, comme doit, à mon sens, être lue la poésie, et spécialement cette poésie-là. Totalement happé par le panthéisme de Whitman, qui veut tout inclure dans son éloge de la vie, j'ai néanmoins été légèrement déçu par le travail de la langue, qui, est-ce l'effet de la traduction?, fait un usage un peu trop abondant de l'anaphore, et ne se renouvelle pas assez à mon goût dans ses effets. L'aspect extatique de sa poésie en prose m'avait néanmoins convaincu qu'il y avait là quelque chose à fouiller, un os à venir ronger.

L'étape suivante, en revanche, a constitué un véritable événement. Je n'avais jamais lu Thoreau, et n'en avais entendu parler que très récemment, mais le petit livre édité très soigneusement par Finitude, une petite maison d'édition bordelaise, m'a vraiment... je ne sais comment dire. C'est vraiment le coup de foudre. Rarement un livre m'a autant, non véritablement impressionné par son envergure ou son intelligence, mais remué personnellement. J'y retrouve toutes mes obsessions, mais également celles du siècle. La prose de Thoreau est pétrie d'un rejet du monde moderne, dans ce qu'il a d'aliénant s'entend, et du désir de revenir au monde. De ne pas fuir le monde, mais de revenir à lui. L'éloge des pommes sauvages n'est évidemment qu'un prétexte pour l'auteur à parler d'autre chose: du plaisir de la marche, de la contemplation des espaces sauvages, de la cause écologique - voire de celle de la décroissance -, et même des légendes et des mythes, qu'ils soient antiques ou bibliques...

Du coup, c'est toute une généalogie d'écrivains américains qui se dessine, et qui m'ouvre de grands bras accueillants. Charlotte avait lu un article sur Rick Bass dans le Matricule des anges, et découvert la piste de John Muir entre les pages de l'écrivain. Par ailleurs, elle découvrait et me faisait lire les poèmes de Ralph Waldo Emerson, dont elle traduit quelques-unes des oeuvres pour un prochain numéro de la revue Mir (à paraître).

John Muir

Entre Emerson et Rick Bass, il y a Whitman, Muir, Thoreau, et bien d'autres. Toute une lignée, dont la découverte est d'autant plus enthousiasmante qu'elle s'est faite hors des bancs de l'université. Par ailleurs, je constate que les uns comme les autres sont publiés (entre autres, bien sûr) par l'une de mes maisons d'édition préférées. Décidément, tout se ligue pour m'amener à penser que non, tout espoir n'est pas mort de recueillir, partager et contempler la beauté du monde.

mardi 14 avril 2009

Quand Rackham influence la mode d'aujourd'hui...

Un bleu splendide que Dulac n'aurait pas renié non plus.

La nouvelle coqueluche de la mode new-yorkaise, Jason Wu, ne cesse de répéter ici et que son inspiration vient en grande partie des illustrations d'Arthur Rackham. Il est vrai que Rackham dessinait de très jolies robes, et il est agréable de voir que sa veine romantique fait encore des émules: Michelle Obama a choisi une robe du jeune créateur, en janvier dernier, pour la cérémonie d'investiture de son mari. Je préfère largement ça, en tout cas, aux costumes trop grands et clinquants de notre président à nous.

samedi 11 avril 2009

Karl Girardet chez Mame

Même si je ne fais plus partie officiellement, depuis mars, du projet Mame, je reste en contact avec l'équipe de jeunes chercheurs qui travaille sur l'histoire de cette maison d'édition tourangelle. Pendant 6 mois, de septembre à février dernier, j'ai travaillé sur l'illustration dans les livres édités par Mame. L'un des axes de cette recherche s'est concrétisé dans une communication au cours d'une journée d'étude le 13 janvier dernier. Ceux qui s'intéressent de près ou de loin aux illustrateurs du XIXe siècle pourront ainsi écouter sur le site de l'université de Tours ma conférence sur Karl Girardet, illustrateur chez Mame. Les autres conférences de cette journée sont également en ligne. Je présente dès maintenant mes excuses pour mon débit un peu rapide, mais j'ai parlé à la fin d'une journée bien chargée, et il me fallait donc accélérer pour que la dite journée ne se termine pas trop tard...

jeudi 2 avril 2009

lundi 16 mars 2009

Du travail à l'université

Désolé, en ce moment, entre le bouclage d'un article en fin de post-doctorat et quelques préparatifs de vacances, je n'ai pas trouvé le temps (ni l'envie, à vrai dire) de tenir ombres vertes. Juste un petit mot, donc, pour renvoyer encore une fois à ce qui se passe dans les universités en ce moment, et qui pourra toujours intéresser ceux de mes lecteurs qui ne sont pas trop au fait de ce qui s'y passe, et qui ne suivent les manifestations que de loin.

Depuis la fin janvier, et notamment depuis le discours dévastateur et insultant du 22 janvier, on assiste à des manifestations à répétition, une grève continue et parfois des bloquages dans l'ensemble des universités françaises, qui ont pour but de protester contre une réforme qui ne fait que donner de nouvelles charges et surtout de nouveaux tracas à des enseignants-chercheurs qui sont déjà en sous-effectifs et surchargés de travail. Les doléances sont évidemment tout autre que corporatistes: il s'agit de critiquer une réforme qui n'a absolument ni queue ni tête, qui a été "pensée" par le ministère à la va-vite et sans aucune concertation avec les acteurs concernés, et qui risque tout simplement de mettre en péril l'université française. D'autres spectres plus sérieux se profilent à l'horizon, comme le facteur H qui commence à pointer le bout de son nez en France, et auprès duquel le classement inepte de l'AERES fait figure de douce tranche d'humour gaulois. Si le facteur H s'installe dans les pratiques académiques, ce ne sera pas l'université française qui en pâtira, mais la science en général, et au niveau mondial.

A un niveau plus national et de manière plus concrète, pour suivre l'actualité du mouvement et essayer de le comprendre en profondeur, rien de mieux que les sites de SLU ou de SLR, certes partisans, mais qui ont au moins le mérite de donner le maximum d'informations et de ne pas donner dans le genre ô combien désormais habituel de la "communication" et de la xyloglossie. Et pour ceux qui croiraient encore qu'être enseignant-chercheur à l'université, en France, c'est se la couler douce avec six mois de vacances, trois témoignages pour faire réfléchir: un billet de Pierre Jourde, une tentative intéressante de Yoric d'exploiter la forme de journal du blog pour rendre compte presque heure par heure de son emploi du temps de fainéant de chercheur, et enfin, de manière plus... humoristique, le blog de la grosse feignasse, création littéraire d'une (ou de plusieurs?) enseignante(s)-chercheuse(s) en littérature.
Il est parfois désespérant de constater la lente dégradation de la société française, qui est laissée aux mains de gens qui font de la communication au lieu de faire de la politique, qui ne laissent pas une année sans tenter de réformer, sans suite ni raison, et sans autre motif que de paraître politiquement actif, un système d'enseignement qui n'est certes pas exempt de défauts mais qui reste l'un des meilleurs du monde. Le but étant bien évidemment d'agiter les bras en tout sens pour faire croire qu'on fait quelque chose, et de rivaliser de langue de bois, voire (et de plus en plus souvent) de désinformation, pour faire croire que ce qu'on fait est utile et de bon sens. L'équivalent du facteur H, en somme: je parais donc je suis. J'ai parfois l'impression que lutter contre la mainmise de la communication sur la politique revient à lutter contre un moulin à vent. Sur ce, je pars m'exiler avec Cervantès et Walt Whitman dans le Lot et la Corrèze pendant 15 jours, à l'abri de ma webomanie galopante, et dans l'espoir d'oublier pendant un temps cette sinistre farce.

mardi 10 mars 2009

Genres de la littérature orale - programme

La journée d'études dont je parlais il y a six mois se concrétise: elle aura lieu le 16 juin dans la Maison de la Recherche de la Sorbonne, et comporte un programme ambitieux, avec 11 communications en l'espace d'une journée.
Parmi les personnalités qui sortent (un peu) du cadre strictement universitaire, on pourra faire remarquer les interventions de Lise Gruel-Apert, traductrice des contes d'Afanassiev aux éditions Maisonneuve & Larose, Natacha Fertin, traductrice des frères Grimm chez Corti, Fabienne Raphoz des mêmes éditions Corti, et enfin Bernhard Lauer, directeur du musée Grimm. On parlera de conte, bien sûr, mais aussi de mythe, de légende urbaine ou de légende tout court (Sage), et même de dessins animés! Nul doute que la journée soit passionnante: en tout cas, elle promet de l'être.

Ch. Guilbert, Affiche de librairie (lithographie) pour les Contes populaires de l'Allemagne de Musaeus, 1845 (BNF).


9h-12h

INTRODUCTION : Natacha Rimasson-Fertin et Frédéric Garnier

MYTHES ET LÉGENDES
MANUELA LUCIANAZ (Université de la Vallée d’Aoste) : « Modèles d’analyse de mythes, contes, légendes : le cas difficile de la littérature orale »
EMILIE LASSON (Université Paris IV-Sorbonne) : « La légende de Gerbert d’Aurillac selon Ulrich de Pottenstein »
DISCUSSION

LE CONTE
LISE GRUEL-APERT (traductrice des Contes d’Afanassiev) : « Vladimir Propp et les structures des contes »
NATACHA RIMASSON-FERTIN (Université Rennes 2) : « Entre satire et volonté didactique : paradis et enfer dans les contes facétieux et religieux chez les frères Grimm et Afanassiev »
BERNHARD LAUER (Directeur du Brüder Grimm-Museum Kassel) : « Die Gattung Grimm als kleine Form »
FRÉDÉRIC GARNIER (CIRCE – Université Paris IV) : « L'histoire d'un soldat juif ou la fonction des contes chez Y. L. Cahan »
DISCUSSION

DÉJEUNER

14h-17h
DES PERSONNAGES ENTRE DEUX GENRES
FABIENNE RAPHOZ-FILLAUDEAU (Editions José Corti) : « Oiseaux des contes ou contes d'oiseaux? Un animal singulier dans une classification internationale »
SÉVERINE YANEZ (Université Paris IV-Sorbonne) : « Les sorcières dans les contes et les légendes de Theodor Vernaleken »
DISCUSSION

LE DEVENIR DU CONTE AU XXÈME SIÈCLE : QUELQUES EXEMPLES
XAVIER ESCUDERO (Université d’Arras) : « (Re)penser le conte en fonction de la presse dans l'Espagne de la fin du XIXème au début du XXème siècle : redéfinition d'un genre »
AURORE VAN DE WINKEL (Université catholique de Louvain) : « Les légendes urbaines : entre transgénéricité et pluri-efficacité »
CLAIRE ASLANGUL (Université Paris IV-Sorbonne) : « Les dessins animés allemands des années 1930, entre reprise, modernisation et instrumentalisation des formes traditionnelles de la littérature populaire »
DISCUSSION

CONCLUSION : Natacha Rimasson-Fertin et Frédéric Garnier

lundi 2 mars 2009

Paulinho et Marisa

Comme j'ai été voir Maria Bathânia salle Pleyel la semaine dernière, un rendez-vous plein d'émotions, j'ai eu l'envie de revoir les séquences mythiques de Saravah, qui m'ont tellement enthousiasmé par le passé. Et là les souvenirs remontent et je me dis : mais que fait Paulinho da Viola aujourd'hui, à soixante cinq ans passés ? Deux trois clics sur Youtube plus tard, je tombe sur deux perles, deux splendides vidéos ( et ) ou Paulinho accompagne sa cadette (25 ans de moins) peut-être la plus douée, Marisa Montes, dans un moment des plus savoureux. Enivrant, assurément.

mercredi 11 février 2009

Légendes françaises vues d'Allemagne

J'ai terminé récemment la lecture d'une traduction de trois légendes de Ludwig Tieck, récemment parue (janvier) aux éditions Grèges. Ces trois légendes sont inspirées de récits médiévaux français dont deux sont bien connus: celui des fils Aymon et celui de Mélusine, respectivement tirés, l'un d'une chanson de geste anonyme, et l'autre des récits de Jean d'Arras et de Coudrette (ici la présentation d'un ouvrage sur la figure de Mélusine chez Arras et Coudrette). J'ai moins aimé la troisième légende, celle des Amours de la belle Maguelonne et de Pierre de Provence ; en revanche j'ai été vraiment enthousiasmé par l'histoire des fils Aymon, qui est ici réécrite avec une verve incroyable par Ludwig Tieck, qui rappelle vraiment, par son caractère cru et direct, le style épique des sagas scandinaves ou des Mabinogion.

Histoire des quatre fils Aymon, illustré par Eugène Grasset en 1883. Image empruntée au site de la BNF qui présente l'ouvrage.


Je ne suis évidemment pas compétent pour juger de la qualité des récits de Ludwig Tieck par rapport aux récits originaux, encore moins pour évaluer celle de la traduction française de Sylvie Oussenko (qui signe par ailleurs une postface moyennement convaincante) par rapport aux originaux de Tieck. Mais j'ai en tout cas été séduit par ce petit recueil, d'une part parce qu'il rend accessible, dans une langue peut-être plus proche de la nôtre, des récits fondamentaux du légendaire fançais, d'autre part parce qu'il rend bien compte, par sa cohérence, d'un passage bien précis de l'histoire de la littérature allemande.
Ces récits de Ludwig Tieck sont en effet à la fois symptomatiques d'une domination de l'Allemagne par les lettres françaises à la fin du XVIIIe siècle, et d'un renouveau d'intérêt pour les récits légendaires, contes et autres "récits de bonne femme" chez les romantiques. Si à la fin du XVIIIe siècle, chez Ludwig Tieck, les réécritures de légendes se font encore à partir des classiques français, dans un second temps, avec les travaux des Grimm notamment (mais entre autres), c'est son propre fonds légendaire national que l'Allemagne tendra à vouloir se réapproprier.

samedi 31 janvier 2009

Ramayana

A ne pas manquer ce soir, la diffusion en direct, en streaming par internet, du concert-spectacle sur l'épopée du Ramayana qui se déroule à la Cité de la musique à partir de 20h00. J'avais déjà eu l'occasion, en septembre dernier, d'assister à une partie de la nuit indienne: c'est évidemment beaucoup moins bien que sur place, mais ça vaut néanmoins le coup d'œil (et d'oreille). Pour les parisiens, peut-être reste-t-il encore des places?
Le Râmâyana est un des textes-sources de l'hindouisme, ici mis en théâtre/musique/danse, selon la tradition du théâtre khon, par une des plus prestigieuses troupes thaïlandaises de spectacle vivant (elle émane directement du Ministère des Beaux-Arts de Thaïlande).

mardi 27 janvier 2009

Sape de l'université et appel à la grève

Je ne peux décemment pas ne pas relayer l'appel à la grève du 2 février (et avant, du 29 janvier), et informer mon (faible et déjà en grande partie informé) lectorat que le gouvernement envisage sérieusement de démanteler le CNRS (une autre réaction ici) et ainsi de paralyser de larges pans de la recherche française. Sans parler même de l'affaiblissement conjoint de l'enseignement, que ce soit à l'université ou dans le secondaire... D'habitude je ne parle pas de politique, mais là, l'affaire est trop grave pour ne pas participer au buzz (par ailleurs assez limité dans les médias traditionnels).
On pourra penser que le sujet est de peu d'importance par rapport à d'autres sujets d'actualité comme la tempête dans le Sud-Ouest ou la guerre Israël-Palestine... Certes. Mais il ne faut pas non plus oublier que ce sont la recherche et l'innovation qui feront l'industrie française de demain, et donc sa compétitivité dans un contexte mondial très concurrentiel, surtout en période de crise. Et quand je parle d'industrie, c'est au sens large: je parle également de l'industrie culturelle et du tourisme, qui sont l'un des principaux secteurs économiques de l'hexagone, et qui s'appuient en grande partie sur les apports de la recherche en sciences humaines. Il ne s'agit donc pas d'un problème à proprement parler urgent, comme celui des destructions climatiques dans le sud de la France ou de la guerre au Moyen-Orient, mais la fièvre de destruction du gouvernement oblige à le considérer comme tel.

samedi 24 janvier 2009

Expos parisiennes avant fermeture

Cette semaine, Cha et moi sommes allés en coup de vent à Paris pour aller voir quelques expos avant que celles-ci ne ferment. Il était trop tard pour Mantegna au Louvre, également pour Emil Nolde au Grand Palais. Nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour aller voir Van Dyck à Jacquemart-André, aussi sommes-nous restés au bord de la Seine, pour les expositions Masques et Le Mystère et l'Eclat à Orsay (jusqu'au 1er février), et pour Abildgaard au Louvre (jusqu'au 8 février).
Des deux expos à Orsay, contrairement à Sophie, nous avons préféré Masques à l'exposition sur les pastels. Notre préférence est purement liée, je pense, à notre absence d'affinités avec les impressionnistes et post-impressionistes qui constituent l'essentiel des oeuvres exposées dans Le Mystère et l'Eclat. Certaines oeuvres valent le détour d'une visite, néanmoins, que ce soit chez les impressionnistes ou les symbolistes, et puis cela permet de redécouvrir une technique sinon méconnue, du moins marginalisée. Masques, en revanche, nous a vraiment beaucoup plu: l'approche thématique est originale et surtout très bien menée, avec en plus beaucoup d'oeuvres venues de loin ou peu souvent montrées, avec d'excellentes mises en perspective historique et esthétique. Et des pièces vraiment somptueuses, placées par ailleurs à côté d'autres oeuvres assez kitsch... il y en a pour tous les goûts, et on apprend pas mal de choses sur des pratiques artistiques aussi diverses que le masque mortuaire, le masque-portrait, les réactualisations de Méduse ou du carnaval dans l'art de l'entre-deux siècles. Et puis cela nous a permis de revoir quelques grotesques de Carriès, qui est une des grandes découvertes d'il y a deux ans.

Une Méduse de Böcklin (non exposée à Orsay).

Enfin, last but not least, la toute petite exposition (une salle) consacrée à Abildgaard, un peintre néoclassique danois, qui n'a sans doute de néoclassique que la technique et le fonds culturel, tant ses oeuvres semblent pénétrées de thèmes et de manières artistiques qui feront la singularité des romantiques... mais ne réactivons pas les vieilles querelles, les étiquettes sont faites pour être prises comme telles, n'est-ce pas?

Abildgaard, Narcisse, dessin à la plume.

J'avais déjà parlé un peu d'Abildgaard dans le dernier volet de ma trilogie sur le cauchemar de Fuseli. Il se trouve que les deux artistes s'étaient connus à Rome dans les années 1770, mais que le peintre danois n'a réalisé sa «réécriture» (je ne sais pas comment on pourrait le dire en matière de peinture) éroticisée du Nightmare de Fuseli que d'après une gravure, bien après cette rencontre, donc. Il reste que leurs univers plastiques comme leurs références littéraires sont étonnamment proches: même fascination préromantique pour Michelange et Shakespeare.
Abildgaard est aussi l'un des premiers (sinon le premier, Saskia pourrait nous en dire davantage) à s'être confronté en peinture au mythe d'Ossian. Il a également illustré le Voyage souterrain de Niels Klim de Ludwig Holberg, un récit de voyage extraordinaire qui, dans la droite lignée (ou mouvance) de Swift, allie imagination débridée et pastiche politique. Je recommande d'aller voir cette petite exposition sur Abildgaard, non parce que ce serait l'exposition de l'année, loin de là, mais parce que c'est l'une des rares occasions de pouvoir contempler ses oeuvres en dehors du Danemark. Ses réalisations sont assez inégales, mais le personnage est passionnant et certaines de ses pièces valent vraiment le coup d'oeil. Je regrette vraiment de n'avoir pu aller voir la conférence de Martin Myrone sur Abildgaard et Fuseli. Elle avait un titre alléchant: Artistes, magiciens et supercheries: Abildgaard, Fuseli et l'invention du «génie», miam!

vendredi 23 janvier 2009

Le conte mis à jour

Je suis content, mon premier compte-rendu d'ouvrage vient d'être publié dans Acta Fabula! Petite gloire, mais je suis quand même très content.

mercredi 21 janvier 2009

Folle Journée : de Schütz à Bach

http://www.follejournee.fr/

Du 28 janvier au 1 février 2009
et le programme est ici

Pour ma part je n'y serai pas, mais je recommande chaudement d'aller assister à cette édition de la Folle Journée : c'est l'occasion d'entrer en détail dans le répertoire baroque allemand, dont la richesse est inestimable, et le meilleur moyen pour entendre un tas d'oeuvres magnifiques et pourtant jamais jouées. Un véritable évènement !

lundi 5 janvier 2009

Mame

Un petit mot pour présenter rapidement le projet de recherche sur lequel je travaille depuis maintenant plus de 4 mois, sous la houlette de Cécile Boulaire, maître de conférences à l'université de Tours. Il s'agit d'un projet de recherche de 3 ans consacré à l'éditeur Mame, à Tours, qui historiquement est spécialisé d'une part dans l'édition religieuse, d'autre part dans la littérature enfantine. La famille exerce le métier d'imprimeur depuis le XVIIIe siècle à Angers, mais son "apogée" se situe au XIXe siècle avec Alfred Mame, à Tours, qui industrialise considérablement la production. C'est l'une des grandes personnalités tourangelles de l'époque, et sa production, très importante quantitativement, inonde le marché francophone du livre de prix et d'étrennes durant une bonne partie du XIXe siècle. On trouve sa trace jusqu'au Canada. La maison d'édition péréclite après la seconde guerre mondiale puis Vatican II, mais il existe toujours un atelier d'imprimerie, qui s'occupe notamment des publications de la RMN.

Les Forêts de la France, Mame, 1886.

Le projet d'étude est pluridisciplinaire, et réunit historiens du livre, de la littérature, de la religion, et de l'art dans la mesure où la plupart des ouvrages, notamment ceux pour la jeunesse, sont illustrés (c'est là que j'interviens).
Pourquoi me mets-je donc à parler maintenant de ce programme de recherche? C'est que le Carnet de recherches du projet vient d'être lancé. Par ailleurs, je ne peux pas trop parler de mon sujet de recherches, car les images sur lesquelles je travaille ne sont pas libres de droit, et parler des images sans les montrer... Pour les amateurs, une journée d'étude ouverte au public est prévue le mardi 13 janvier, à l'université de Tours.