vendredi 31 août 2007

encyclopédies numériques et occultisme

C'est fou ce que c'est chronophage, wikipedia, quand on commence à s'y intéresser de près et à vouloir contribuer... J'ai déjà commencé un peu sur l'article "Walter Crane", ça m'a pris une soirée. L'article "conte" est maladroit et bourré d'erreurs, il va falloir remédier à la chose, et là ça ne va pas prendre qu'une soirée.

L'article sur "René Guénon" est un cas d'école, qui m'a été indiqué par un ami, Vivien. La page est très courte, mais dès qu'on clique sur l'onglet "discussion", on se rend compte qu'une polémique a enflé depuis maintenant plus d'un an, je crois.

René Guénon est un occultiste français du début du xxe siècle (les guénoniens me détesteraient s'ils voyaient que je le qualifie d'occultiste, mais c'est malheureusement vrai), initié au soufisme, et qui toute sa vie a voulu prouver (ou plutôt il assène sa thèse avec toute l'autorité que son "initiation" lui confère) la profonde vérité de la tradition orientale, au regard de laquelle la modernité occidentale est propagatrice d'illusions et de mensonges.

Ce qui est génial avec ses admirateurs (et souvent avec René Guénon lui-même), c'est la manière dont ils ont de refuser toute interprétation un tant soit peu critique, sous prétexte que les non-initiés "ne peuvent pas comprendre", empêtrés qu'ils sont dans la rationalité techniciste qui caractérise la pensée occidentale. Ils refusent notamment toute critique faite par un universitaire, si celui-ci n'est pas guénonien. On sent des relents de Heidegger mal digérés dans cet éloge de la "pensée traditionnelle", qui font que je ne fais pas partie, justement, des admirateurs de Guénon. Autant j'adore les symboles et je pense qu'un ésotérisme peut être pratiqué de manière intelligente, autant je déteste ce genre d'élitisme qui allie la fatuité à l'absence de discernement.


Je constate que Thelemapedia ne possède pas d'article sur Guénon, et pour cause: cette encyclopédie en ligne consacrée à l'occultisme est tenue, comme son nom l'indique, par des admirateurs de l'oeuvre d'Aleister Crowley (je donne le lien vers l'article anglais parce qu'il est autrement plus complet).

Occultiste lui-même fasciné par l'Orient (il reçoit une révélation d'Horus, en Egypte, révélation qui prend la forme d'un Livre de la Loi), Crowley traîne derrière lui une réputation sulfureuse de sataniste licencieux, qui opérait des rituels de magie sexuelle et extatique. Exactement le genre de personnage que ne pouvait supporter Guénon, qui s'était après tout converti à l'islam, religion qui ne porte pas les "suppôts de Satan" dans son coeur. En même temps, derrière Guénon et Crowley, on retrouve un conflit, dixit un autre ami, Jérôme, entre occultisme français et anglo-saxon. Entre une manière très abstraite, assez conceptuelle de comprendre les symboles (Guénon), et au contraire une manière rituelle (Crowley), plus concrète.

Dans un tout autre genre, pour ceux que ça intéresse, je renvoie également à la formidable encyclopédie numérique alternative, conservapedia, qui comme son nom l'indique, voit les choses d'un point de vue conservateur, à l'américaine qui plus est.

Ses chevaux de bataille: la remise en cause de la théorie de l'évolution, l'éloge des états-unis ("The US is currently the world's sole superpower; it has the world's largest economy, and is recognized as having the world's most powerful military.", ils sont pas du tout effrayés par la Chine, eux...), la lutte contre l'avortement, etc.

jeudi 30 août 2007

Planète Terreur


Vous avez aimé Une nuit en enfer? Vous aimerez Planète Terreur du même réalisateur, Roberto Rodriguez. Un film Grindhouse, normalement jumelé avec Boulevard de la Mort de Tarantino, mais que bien évidemment ces &é"u_-* de diffuseurs français ont décidé de sortir séparément.

Je n'ai pas vu le film de Tarantino, qui est paraît-il décevant. Celui de Rodriguez ne l'est en tout cas pas du tout: une perle de la série B qui ne se prend pas au sérieux, accumule les clichés du film pulp, qui commence par une scène de gogo dancing et prend fin sur des scènes d'un paradis pseudo-oriental, avec des femmes en paréo tenant des fusils-mitrailleurs.


Des pin-ups et des zombis partout, avec un Bruce Willis en grand méchant soldat américain patriote, des motos et des carcasses de viande. Jouissif. Exactement ce qu'il me fallait en film qui fait pas réfléchir en cette période de fin de thèse.

jeudi 16 août 2007

Iconoclastes

La deuxième chaîne publique de Russie, Rossia, a manipulé les images du reportage sur la récente expédition sous-marine sous l'Arctique.


Décidément, ces russes, ils ont la manie de la manipulation photographique... on se souviendra du camarade Staline, qui avait fait enlever la figure du traître Trotsky des photographies où il apparaissait en compagnie du père de la Révolution, Lénine.


Est-ce qu'on assisterait, toute proportion gardée, à un nouveau type d'iconoclasme? Les iconodules aimaient à penser que les images du Christ étaient l'empreinte directe de la réalité divine, car elles étaient la copie fidèle d'une image archétypique du fils de Dieu, comme le Mandylion d'Edesse, ou la Vera Icona, qui n'étaient pas faites de la main de l'homme (achéiropoiète).
La photographie est-elle même réputée, à raison, comme une empreinte directe de la nature. Mais également, à tort, comme une empreinte fidèle de la nature. La manipulation de ces photographies ne pourrait-elle, dès lors, être considérée comme une espèce d'iconoclasme moderne?
Une telle manipulation suppose, de même que chez les iconoclastes, le refus du principe de la vérité des images. Mais autant ce refus avait, au VIIIe siècle ap. J-C, des raisons théologiques, autant il est le fruit, à notre époque, d'un simple cynisme qui ne se contente pas de détruire les images compromettantes par souci de vérité, mais se complaît au contraire dans l'illusion d'un empire fondé sur le mensonge.

mercredi 15 août 2007

Le père de toutes les légendes

La légende de Gilgamesh fait l'objet d'un long article dans Le monde. Il s'agit du premier d'une série de six articles sur les "Rois de l'entre-deux-fleuves", qui vise vraisemblablement à faire office de "feuilleton de l'été". Il est heureux que la presse française soit encore capable de produire des "feuilletons" d'une telle qualité.

Au passage, j'ai été étonné d'apprendre que l'épopée de Gilgamesh est une compilation tardive (vers 1200 avant notre ère) de poèmes plus anciens. "Dans cette démarche consistant à rassembler d'anciens contes et légendes, on retrouve quelque chose qui ressemble à ce qu'ont fait les frères Grimm, au XIXe siècle, en collectant les éléments du folklore européen et en les couchant par écrit", nous apprend Jean-Marie Durand, assyriologue au Collège de France. Comme quoi les sciences du folklore ont une origine bien plus ancienne que le XIXe siècle... et ont une origine magique: l'auteur de cette toute première compilation de poèmes, remaniés sous une forme épique, se prénomme Sinleqe'unenni, et est un "exorciste".

Je connaissais la légende de Gilgamesh par l'intermédiaire d'une bonne novélisation, celle de Silverberg.

Tout ça m'a donné envie de m'y replonger, et d'aller chercher le texte original (euh..., évidemment dans une traduction française! de Jean Bottéro, grand spécialiste de la Mésopotamie).

mercredi 8 août 2007

La femme des sables

Dimanche soir, Cha et moi sommes allés voir un film absolument splendide, aussi beau plastiquement que dense symboliquement. C'est La femme des sables de Hiroshi Teshigahara, un film japonais datant de 1964, récemment ressorti dans une version inédite, allongée de vingt minutes.


Je ne ferais pas de longue description ou d'analyse de ce film, qui est tiré d'un roman d'Abé Kôbô. D'autres s'en sont chargés, qui donneront une meilleure idée de son contenu.
Pour néanmoins résumer brièvement l'histoire: il s'agit d'un entomologiste qui part dans le désert, à la recherche d'espèces d'insectes rares. Il s'attarde un peu trop, et manque son car, ce qui l'oblige à passer la nuit sur place, chez une femme qui habite au fond d'un trou dans le sable. Bientôt, il comprend qu'il est retenu prisonnier de ce trou, dont il est impossible de s'échapper tant les parois en sont friables. Pour survivre, il faut tous les soirs faire remonter, à l'aide des villageois voisins, le sable qui dans la journée est tombé dans le trou.

Un vrai supplice digne du tonneau des Danaïdes, qui est rendu d'autant plus oppressant grâce à la musique de Toru Takemitsu, grand compositeur japonais s'il en est. Mais en même temps une histoire d'amour comme seuls les japonais sont capables d'en produire, où la femme est véritablement identifiée au paysage qu'elle habite. Tant narratologiquement (elle refuse de partir de son trou) que plastiquement. Ce dernier point grâce à des superpositions d'images:


Ou bien en faisant du corps de la femme elle-même un paysage de dunes ensablées.

En somme, cette femme ressemble beaucoup à une fée: c'est un génie attaché à un lieu, et elle emprisonne le héros de la même manière que Viviane retient Merlin en son lac. Elle prend le héros dans ses rets, qui sont ses longs cheveux défaits, sur lesquels la caméra insiste à plusieurs reprises (souvenons-nous de Mélisande, de Raiponce). Par ailleurs, on retrouve bien l'imaginaire de la coupe, de la fosse, de la grotte, qui est l'un des signes de reconnaissance de la figure de la fée, et qui caractérise le régime nocturne de l'imagination que décrit Gilbert Durand dans ses Structures anthropologiques de l'imaginaire. On retrouve même l'imaginaire thériomorphe (avec les insectes, et le sable grouillant) attaché à l'évocation du monde nocturne.

Il serait trop long de faire l'analyse symbolique de ce film en fonction de l'archétypologie de Durand (surtout dans la mesure où il faudrait rappeler brièvement les principes de cette cartographie structuraliste de l'imaginaire). Mais on peut tout de même dire que La femme des sables raconte l'histoire d'une longue et splendide conversion du héros, d'un univers diurne, effrayé par ce trou où le sable ne cesse de tout ensevelir, à un monde nocturne, où il accepte, par et pour l'amour d'une femme, le caractère éphémère de l'existence. Au début, le seul but dans l'existence de notre entomologiste est de trouver l'éternité en donnant son nom à une nouvelle espèce. A la fin, il n'a plus de but aussi déterminé, et accepte de remettre à plus tard le jour de son départ, comme s'il envisageait, dans une sorte de carpe diem radical, de ne pas donner de sens définitif à son existence. Il perd ses certitudes.

Inutile de dire qu'il s'agit donc d'un récit initiatique... labyrinthique, et de toute beauté.

mercredi 1 août 2007

RIP


L'un de ses personnages est venu le chercher, et l'a emmené de l'autre côté du styx, là-bas, là où une lumière blanche emplit l'espace, qui lui rappellera sans doute les lanternes magiques de son enfance.