dimanche 29 juillet 2007

Histoire du petit peuple

D'abord, mes excuses pour l'absence de nouvelles en ce moment: je suis en train de corriger ma thèse, ce qui ne mérite pas une publication assidue de billets.


Par ailleurs, je suis en train de lire un livre passionnant de Claude Lecouteux, germaniste célèbre pour s'être intéressé de près à la "basse mythologie", celle des elfes, des talimans et des loups-garous plutôt que des dieux et des héros.
La grande originalité de son approche consiste à faire se croiser littérature, mythologie, histoire des religions et du folklore, à faire "flèche de tout bois". Et, contrairement à Régis Boyer par exemple, et autant que je puisse en juger en tant que "non-littéraire", quand Lecouteux parle de littérature, il ne s'aventure pas en terre inconnue. Il s'ensuit une étude à la fois large et rigoureuse, qui n'avance aucune hypothèse sans argumentation, et n'utilise pas les arguments d'autorité habituellement de rigueur chez tous les grands pontes de l'université (et notamment chez Boyer). Autant dire que je conseille vivement la lecture de son oeuvre, pour ceux qu'une véritable investigation historique sur l'origine religieuse et mythologique du petit peuple intéresse.

Par rapport à Laurence Harf-Lancner (dont, par honnêteté, je dois avouer ne pas avoir consulté les livres, très certainement excellents) qui a une approche très littéraire du motif féerique, Lecouteux a une perspective plus interdisciplinaire, certainement moins satisfaisante pour un pur littéraire féru d'analyse textuelle, mais qui a le mérite d'être à la fois plus large et plus fournie en matière d'histoire des représentations. Il interroge véritablement les croyances et les rituels autours du petit peuple, et ne se contente pas des représentations littéraires.
De plus, ses livres étant conçus pour le "grand public" (au moins ceux édités chez Imago), ils sont très faciles d'accès et agréables à lire, y compris pour quelqu'un d'inculte en matière de littérature médiévale comme moi.

Où l'on apprend que les nains sont liés à Loki, et les elfes à Freyr, que les premiers sont des êtres obscurs, et les deuxièmes des êtres lumineux, que les nains sont de taille changeante, parents des géants, et affiliés aux araignées, alors que les elfes sont proches des dieux, à tel point qu'on leur vouait auparavant un culte... Qu'Aubéron est un elfe, même si la tradition littéraire en a fait un nain, et que les nains de jardins sont un des derniers vestiges du sylvanus sanctus, le génie domestique romain.

mardi 17 juillet 2007

Kobaïen première langue

Il y en a qui ont de la chance, et qui apprennent une langue étrangère dès le berceau. Je connais une petite Vassilissa comme ça, qui s'exprime en russe et en français. Mais il y en a qui ont encore plus de chance, et qui ont pour langue maternelle une langue imaginaire. C'est le cas de Jade, une petite très mignonne qui connaît déjà des chansons en kobaïen.
Quand j'aurais des enfants, j'essaierai de leur inculquer l'elfique ou l'utopien. Pas le corbeau, c'est un peu trop limité.

lundi 16 juillet 2007

De la culture sur TF1

Quand on veut trouver de la culture quelque part, en général on parvient toujours à en trouver. Mais quand il s'agit de la première chaîne française, la quête apparaît tout de même difficile.
Je suis allé piocher un vieux billet édifiant dans le blog de Pierre Assouline, où celui-ci nous raconte comment Patrick Le Lay (PDG de tf1) a récemment (mars 2007) tenté de justifier la politique culturelle de la chaîne qu'il dirige auprès du Ministère de la Culture et de la Communication. Il s'agirait d'une politique de la "culture industrielle", visiblement, qui reprend les principes des préraphaélites et des arts and crafts...
Sans commentaires, voici un extrait, citation de Patrick Le Lay:
“Vous parlez de culture industrielle, mais ce n’est pas forcément un mal. Trente ans après, quand on regarde des usines désaffectées, on a plutôt tendance à les classer. L’architecture industrielle est intéressante. D’autre part, si l’on observe le mouvement des Préraphaélites dans l’Angleterre du XIXème siècle, le mouvement Arts and Crafts a été, autour de Rossetti et William Morris, un grand mouvement culturel de l’époque, dans une société industrielle”

vendredi 13 juillet 2007

Un frenchie chez les Cavalera

Bon sang je n'en reviens pas. Non seulement Max et Igor Cavalera (ex-Sepultura) se retrouvent pour former un nouveau groupe, mais ils embauchent Joe Duplantier, chanteur-guitariste de Gojira, en tant que bassiste (avec Mark Rizzo de Soulfly aux guitares)! Formation internationale, donc: deux brésiliens, un américain et un français.
J'espère seulement que sa collaboration avec les frères Cavalera ne va pas faire trop retarder à Joe Duplantier son travail sur le prochain album de Gojira. Et que l'album à venir de la nouvelle formation (encore sans nom) ressemblera plus aux anciens Sepultura qu'aux récents Soulfly... L'ingénieur son sera Logan Mader (Machine Head). Plus d'informations à venir sur le site de Soulfly, ou bien sur celui de Gojira.

dimanche 8 juillet 2007

Persepolis



Gilles a déjà très bien parlé de la dernière sortie du film de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud. Je voudrais juste ajouter combien je trouve que ce film est intelligent (de même que la bande dessinée dont il est issu), dans sa critique des moeurs et de la politique iranienne.



Et combien également ce film est beau visuellement, avec des graphismes citant les mécanismes du théâtre baroque (pour les nuages ou la mer représentés schématiquement en doubles plans mobiles), le cubisme (Guernica de Picasso dans la scène où le corps de Marjane se transforme durant son adolescence à Vienne), le théâtre d'ombres, dans les scènes d'émeute et de guerre, de marionnettes quand la narratrice nous raconte l'histoire politique de son pays.



Une trouvaille particulièrement réussie est le mélange de noir et blanc et de couleur: les scènes contemporaines, où Marjane repense à son histoire à l'aéroport d'Orly, sont en couleur, alors que les scènes passées sont toutes en noir et blanc. Ceci permet notamment de différencier le temps présent, vivace, du temps du souvenir, puisque le film se présente véritablement comme une réminiscence du passé - enfantin, qui plus est: Marjane "entre dans l'âge adulte", dans son indépendance, quand elle quitte définitivement l'Iran.

Le début du film, qui est quasiment (dans mon souvenir en tout cas) sans voix off, sans texte, a véritablement une fonction d'introduction au récit autobiographique: la convention littéraire de l'autobiographie est respectée, qui consiste à d'abord présenter le moment présent avant de commencer à raconter l'histoire de sa vie: de prendre le temps de nouer un pacte de sincérité avec le lecteur. On retrouve ici également la convention littéraire du conte, qui est très souvent précédé d'une sorte de méta-histoire (un "récit-cadre") visant à introduire l'histoire: "l'histoire de l'histoire" en quelque sorte, comme par exemple celle de Schéhérazade dans les Mille-et-une-nuits. Cette introduction est d'autant plus pertinente que l'autobiographie comme le conte sont des genres littéraires intimement liés à la mémoire, au souvenir, qui supposent une phase de réminiscence de l'histoire passée.



Cette convention littéraire est mise en oeuvre de manière graphique, par le passage de la couleur au noir et blanc. Par ailleurs, l'usage du noir et blanc "aplatit" la représentation, la rendant plus neutre plastiquement (ce qui est le moyen de souligner la neutralité idéologique du compte-rendu historique et autobiographique); et il rend possible l'utilisation de forts contrastes renforçant l'effet dramatique de l'histoire, à des moments choisis. Marjane Satrapi ne se contente par ailleurs pas du noir et du blanc: elle adopte toutes les nuances du gris, ce qui montre sa volonté de ne pas donner une image trop manichéenne, ni de l'Iran, ni de son histoire personnelle.

Parler comme un corbeau

On se souvient souvent d'Edgar Poe qui faisait dire à son corbeau "Nevermore", mais il s'était sans aucun doute trompé: les corbeaux parlent à grands renforts de "croua" et de "crouou". C'est un savant français de l'époque romantique, Pierre Samuel du Pont de Nemours, qui l'a établi, comme en témoigne cet excellent article, qui relate une enquête au pays du langage des oiseaux... et dans le "saint des saints" de la BNF (la salle de réserve), qui, je peux l'assurer à Jean Véronis, accueille parfois plus de trois personnes à la fois.
Je trouve ça génial ces histoires de recherches sur des langues imaginaires, ça me rappelle le jeu des perles de verre de Hesse: une entreprise aussi belle et passionnante qu'elle est inutile et hors du monde.

mardi 3 juillet 2007

Appel à communications: "Folklore et construction nationale en Europe Centrale"

Je transmets un appel à communications d'un colloque co-organisé par une amie, Natacha Fertin, qui concerne le folklore et le conte en Allemagne et dans les pays d'Europe Centrale:

Folklore et construction nationale en Europe Centrale

Organisateurs :
Natacha Rimasson-Fertin (Université Paul Valéry-Montpellier 3) – Frédéric Garnier (doctorant au CIRCE, Université Paris 4-Sorbonne)

Comité scientifique :
Delphine Bechtel, Paris IV-Sorbonne
Xavier Galmiche, Paris IV-Sorbonne
Claude Lecouteux, Paris IV-Sorbonne
Francis Conte, Paris IV-Sorbonne

Langues de travail : français – allemand – anglais

Depuis le XIXème siècle, l’Europe a connu un engouement croissant pour la culture populaire. Partout, on s’est tourné vers le peuple pour y chercher de nouvelles formes de culture. Ainsi, dans le sillage des frères Grimm, de nombreux recueils de contes ou de traditions et de récits populaires, destinés à refléter l’esprit du peuple, ont vu le jour dans la plupart des pays européens. En même temps que ces recueils est née aussi une nouvelle discipline scientifique : l’étude du folklore.
En outre, aussi bien des peintres que des compositeurs ont été de plus en plus nombreux à puiser leur inspiration aux sources de l’art populaire. A la suite de ce mouvement, par lequel les différents peuples entendaient se doter d’une identité nationale forte, le folklore s’est affirmé comme élément fondateur de l’identité nationale – un rôle qu’il a conservé jusqu’au XXème siècle.

Ce colloque s’adresse en priorité aux jeunes chercheurs (maximum 3 ans après la fin de la thèse) et s’articulera autour des axes suivants :
Folklore : Ce terme regroupe contes, légendes et croyances populaires. Pourront être abordées les collectes de contes et de légendes, les études sur le folklore, dans une démarche littéraire ou ethnographique.
La construction de l’identité nationale : Ce thème pourra être traité sous tous ses aspects, en particulier l’utilisation du folklore dans la quête de l’identité nationale, telle qu’elle se présente au XIXème siècle dans de nombreux pays d’Europe centrale.

Les propositions sont à envoyer par mail, avant fin septembre 2007, à Natacha Rimasson-Fertin (Montpellier) natacha.fertin@free.fr, ou à Frédéric Garnier (Paris) fgarnier1206@yahoo.fr.
Le colloque se tiendra à Paris, en mai/juin 2008, à une date qui vous sera communiquée courant septembre.

lundi 2 juillet 2007

Cadavres exquis et flûte soufie

Ouf! Retour de vacances à la pointe du raz, après maintes heures éprouvantes de voiture.

En passant, on s'est arrêtés à l'exposition Yves Tanguy au Musée des Beaux-Arts de Quimper, qui était très bien faite. Je ne suis pas un fervent admirateur de son oeuvre peinte, mais sa vie est pleine d'anecdotes rigolotes, et son oeuvre graphique est je trouve assez intéressante. Et surtout, ça permet de se replonger un peu dans le surréalisme, qui est un courant artistique vraiment passionnant.

Je connaissais les "cadavres exquis" littéraires, j'ai pu découvrir les "cadavres exquis" graphiques ( ici un Cadavre exquis de Man Ray, Yves Tanguy, Joan Miro et Max Morise, 1928).
On plie une feuille en quatre (ou en trois selon le nombre de participants), le premier participant dessine un motif en haut (ou en bas) de la feuille, en faisant légèrement dépasser son dessin de l'autre côté de la pliure. Puis le second participant reprend les lignes et les couleurs de son prédécesseur comme point de départ d'invention de son propre motif, la première intervention restant cachée grâce au pliage. Et ainsi de suite...
Ici on reconnaît bien le style de Miro en troisième intervention.


Pour information, il existe également, désormais, des cadavres exquis en bande dessinée, en cinéma, dont on peut retrouver quelques exemples en lien externe dans l'article de Wikipedia sur le sujet.

Je me demande ce que ça donnerait, un cadavre exquis dans le domaine du conte... Avec un enregistrement sonore, et l'imposition de certains motifs ayant pour but de conserver un minimum de continuité à l'histoire (afin que l'héroïne ne se transforme pas en héros au milieu du récit), je pense que ça pourrait marcher, et que quatre conteurs successifs pourraient, sans entendre la prestation de son prédécesseur, raconter une histoire, en s'arrêtant sur des motifs convenus d'avance afin de ménager une continuité, une articulation narrative du récit. Après tout, comme dirait Claude Brémont, l'art du conte, n'est-il pas un art de "meccano", un art d'assemblage de pièces hétéroclites? Plutôt que de ressasser les mêmes histoires livresques, la méthode du cadavre exquis ne serait-elle pas le meilleur moyen d'inventer des histoires? Avis aux amateurs.




En revenant de vacances également, Les Orientales de St-Florent-le-Vieil (dont j'ai déjà parlé précédemment), où nous avons pu assister à une lecture d'extraits du Voyage en Orient de Gérard de Nerval, et à un concert de flûte soufie ney (Turquie) de Süleyman Erguner (la photographie ci-dessus concerne évidemment un autre spectacle). Vraiment très bien ce festival, que je conseille aux amateurs de musique orientale pour l'année prochaine: sachant qu'en 2008 ce sera la dixième édition, je pense que le programme sera riche.

En attendant, retour au boulot à La Devinière, au Musée Rabelais, jusqu'à fin Novembre...